Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a lancé en janvier une campagne d'intentions de recrutement des apprentis auprès des collectivités. Plus de 4 000 collectivités ont exprimé leur intention de recruter plus de 21 000 contrats d’apprentis. Cependant, les disponibilités budgétaires ne permettent de financer que 9 000 contrats. Le CNFPT appelle à revoir et à repenser le mécanisme de financement de l’apprentissage dans les collectivités.
Depuis la loi relative à « la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018, qui a retiré aux Régions la compétence apprentissage, les conditions de prise en charge des frais de formation des apprentis accueillis en collectivité n’ont cessé d’évoluer [1]. Ainsi, chaque année a connu des évolutions du dispositif apprentissage compte tenu des modifications de financement décidées par l’État ou le législateur, obligeant le CNFPT à une adaptation permanente lui permettant de maitriser les engagements financiers de cette nouvelle compétence.
Fruit d’un accord entre les collectivités et l’État, la loi de finances 2022 a mis à la charge du CNFPT 100 % des coûts de formation, pour un montant total de prise en charge de 83 millions d’euros permettant le recrutement chaque année de 8 000 apprentis.
Or, depuis 2020, en cohérence avec la politique gouvernementale, les collectivités locales ont massivement développé le recours à l’apprentissage (8 200 demandes de prises en charge en 2020, 11 440 en 2021, 13 000 en 2022).
Ainsi, en 2023, la demande globale s’est élevée à 18 000 contrats, dépassant de loin les sommes mobilisables. Le CNFPT s’est donc vu contraint de ne financer seulement la moitié des demandes.
Un nombre d’intentions de recrutement « record »
A l’occasion du recensement 2024, plus de 4 000 collectivités ont fait part de leur intention de recruter plus de 21 000 contrats, alors que les disponibilités budgétaires ne permettent d’en financer que 9 000. Pour anticiper les conséquences de cette situation, le conseil d’administration du CNFPT a, préalablement au lancement du recensement, approuvé, en partenariat avec les associations représentatives des collectivités composant la coordination des employeurs territoriaux (AMF, Régions de France, Départements de France, Intercommunalités de France, France urbaine, Villes de France, APVF, AMRF et la FNCDG), des critères afin de contenir les contrats pris en charge par le CNFPT dans la limite du budget le permettant :
- Seules les demandes des collectivités ayant participé au recensement sont recevables ;
- Seuls les contrats d’apprentissage qui ciblent strictement les diplômes inscrits au référentiel de 44 métiers considérés en tension peuvent faire l’objet d’un financement ;
- Le nombre de contrats alloués à chaque collectivité est pondéré en tenant compte de l’effectif de la collectivité.
Par ailleurs, afin d’anticiper les difficultés de recrutement d’apprentis, le CNFPT a ouvert lors de son conseil d’administration du 17 avril dernier, une enveloppe d’environ 11 000 accords préalables de financement au titre des apprentis qui seront recrutés en 2024.
Il faut rappeler que la fonction publique territoriale a toujours été le versant le plus dynamique en matière de recrutement d’apprentis. Il est regrettable que l’engagement des collectivités dans la formation de notre jeunesse par l’apprentissage, priorité affichée du gouvernement, soit autant entravé par le manque de moyens, alors même que le secteur privé bénéficie d’un effort considérable du contribuable national au travers des subventions d’équilibre de l’État à France compétences (2 milliards d’euros/an) et des aides aux employeurs privés (8 000 euros puis 6 000 euros par apprentis, soit 5 milliards d’euro/an). Ces montants sont sans commune mesure avec les sommes en jeu pour la territoriale.
Le CNFPT et les employeurs territoriaux ont toujours signalé que la réforme « Pénicaud » allait créer un déséquilibre dans le versant territorial et que ce problème allait prochainement s’intensifier, au vu du désengagement engagé par l’État de l’accord conclu avec les collectivités. En effet, les 30 millions annuels de contributions attendues en contrepartie d’une nouvelle taxe apprentissage payée par les collectivités locales vont progressivement disparaitre, la volonté du gouvernement étant de les faire totalement disparaître dès 2026.
Comme le CNFPT le demande depuis 2020, Il faut impérativement déterminer un mécanisme pérenne de financement de l’apprentissage dans les collectivités, notamment au regard de la réalité des flux des apprentis et des dépenses réellement supportées. Il n’y a aucune raison de faire du secteur public le parent pauvre de la politique gouvernementale de promotion de l’apprentissage mais au contraire d’en faire un élément de promotion et d’attractivité de la fonction publique territoriale et de ses 240 métiers.
Yohann NEDELEC
[1] La loi du 6 aout 2019 de « transformation de la fonction publique » avait créé un dispositif de financement mettant à la charge du CNFPT 50 % des coûts de formation des apprentis. Le dispositif étant jugé relativement insatisfaisant par les collectivités territoriales et le CNFPT, la coordination des employeurs territoriaux (rassemblant l’AMF, Régions de France, l’ADF, ADCF, Villes de France, APVF, AMRF, la FNCDG, le CSFPT et le CNFPT) en concertation et avec l’appui de la Ministre de la transformation et de la fonction publiques de l’époque, le gouvernement a fait adopter, dans la loi de finances pour 2022, un nouveau dispositif de financement, effectif depuis le 1er janvier 2022 pour les contrats commençant à partir de cette date avec une prise en charge à 100 % par le CNFPT.